Écrire pour déposer sa peine et faire vivre ceux qui ne sont plus là
C’est le printemps quand cette maman me contacte via les réseaux sociaux pour se présenter et m’évoquer son projet. Elle m’exprime un désir profond de poser des mots sur un drame qui a frappé leur famille. Pour se libérer et pour partager leur vécu auprès de leurs proches. Pour témoigner et aider, peut-être, d’autres familles qui traverseraient une épreuve similaire. Pour faire vivre leur fils et pour continuer d’expliquer à leurs enfants. Raconter cette histoire a tellement de sens… J’accepte, évidemment ! Et nous planifions nos rencontres pour la fin août, sur deux jours. Pendant les cinq heures d’entretien dans le calme de leur maison de campagne et la douceur de leur jardin, je les écoute, père et mère, me raconter cet épisode de vie si particulier. Chacun à leur vitesse, avec leur vécu et leur regard particulier, je les observe déposer un morceau de leur peine au milieu de la table… entre la bougie et la théière. Une peine vive et profonde qui ne disparaîtra jamais. Ils me parlent d’une cicatrice douloureuse qu’ils sont prêts à venir gratter un peu pendant ces quelques heures, parce que ce projet leur tient à cœur.
Cette rencontre est un instant suspendu et je me sens pleine de gratitude de toute la confiance qu’ils m’accordent. La maman me prête les carnets qu’elle a écrits pour que je puisse m’inspirer et/ou intégrer des passages de ses mots et réflexions du moment dans le récit. Nous retraçons chaque minute, chaque larme, chaque question jusqu’à cette conclusion touchante, « Voilà, c’est nous ! ». Dans un grand éclat de rire (mais les yeux humides), cette maman me fait le cadeau d’un témoignage précieux, emprunt d’une sensibilité et d’une force hors du commun. Cela fera six ans dans quelques mois que leur fils est décédé, mais elle me confie pourtant « Je n’avais encore jamais raconté toute cette histoire du début à la fin, en prenant le temps ». La question du tabou et du silence autour de la mort du nourrisson est très présente dans le récit. Taire cet épisode était ce qui semblait le plus évident dans une société où le deuil périnatal est encore tabou, mais ils ont décidé de faire autrement… Hors de question de l’effacer des mémoires ! Ce livre en est une preuve.
Interview des parents quelques semaines après les entretiens
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